L’éducation par la violence

En France, nous sommes victimes de notre culture : frapper une personne âgée c’est de la maltraitance ; frapper un animal c’est de la maltraitance ; frapper un enfant, c’est de l’éducation au nom du droit de corriger. 80 % des parents donnent des gifles et fessées à leurs enfants, dont 50 % frappent des moins de 2 ans, selon Gilles Lazimi, coordinateur d’une campagne réalisée par la Fondation pour l’enfance. Ce droit de correction s’appelle la Violence Éducative Ordinaire.
« C’est pour ton bien », « J’en ai reçues et je n’en suis pas mort », « Elles étaient méritées », « Une fessée n’a jamais tué personne », « Une gifle n’est pas de la maltraitance » …

De génération en génération, on éduque aux coups, punitions et autres humiliations. Comment en finir avec cette éducation archaïque ? Les obstacles sont nombreux.
Notre pays ferme les yeux sur la violence éducative, il adhère aux principes éducatifs que les parents ont eux-mêmes reçus. En France, malgré les études scientifiques démontrant que la maltraitance entraîne de graves conséquences sur le développement de l’enfant et sur son devenir d’adulte responsable, on considère que la fessée est normale et même nécessaire. On punit, on frappe, on humilie les enfants en toute légalité. La société tolère qu’ils soient corrigés de cette manière. Elle en minimise les effets, elle banalise le châtiment parental, jusqu’au 2 juillet 2019, jour où le Sénat a adopté une loi interdisant les châtiments corporels après plusieurs débats suivis d’échecs, quarante ans après la Suède.

J’ai vu sur un mur dans le village de Teotitlán au Mexique, à proximité de l’école primaire :

Unete para poner fin a la violencia contra las mujeres

En France, selon l’Observatoire National de la Protection de l’Enfance, un enfant meurt tous les quatre jours sous les coups. Il y a une question de force physique et de maîtrise du comportement de celui qui administre la punition. C’est le coup de trop, c’est l’ultime coup. Ce sont des faits divers. On s’en émeut quand l’information ou le procès passe, puis on oublie vite.
C’est lâche de frapper un enfant, puisqu’il ne peut que subir et ne peut pas se défendre.
Le recours à la fessée, gifle et autres humiliations, démontre le peu de moyen dont dispose celui qui l’administre : langage pauvre pour expliquer à l’enfant ce qui est bien et ce qui est mal, et lui demander de s’y plier ; manque d’imagination ; manque de respect envers l’humain.
En frappant un enfant, on lui prouve que la violence est possible. Il ne l’oubliera pas devenu adulte, il l’utilisera lorsqu’un événement ne lui conviendra pas. Ainsi, la violence est partout dans notre société.
L’éducation par la violence est à l’origine, entre autres, de maladies, d’échec scolaire, de conduites inadaptées, de délinquance et criminalité, de suicides.

Respecter un enfant c’est l’éduquer avec bienveillance. L’éducation bienveillante a du mal à se répandre d’une part à cause de parcours compliqués qu’ont vécus ou que vivent dans la solitude certains parents et qui les rendent fragiles et d’autre part à cause de notre culture qui assoit son autorité sur les coups. Elle est pourtant basée sur le respect de l’enfant et les chances d’en faire un homme équilibré.
Aucun comportement d’enfant ne mérite les coups. Toute forme de violence est inacceptable. Pour moi, il n’y a pas de différence entre recevoir une claque et être maltraité. Une simple gifle est de la maltraitance, sinon, ce serait quoi, une caresse ?

Mon expérience d’enfant maltraitée me permet d’affirmer que la violence s’apprivoise, on s’habitue aux coups, l’oreille devient imperméable aux cris, on se forge une carapace, on s’enferme dans une bulle hermétique, on présente un profil lisse. Mais cela n’empêche pas d’aller très mal, le mal ronge silencieusement le physique et le mental.

Les associations qui militent pour le respect des droits de l’enfant, les scientifiques qui sans cesse nous alertent sur les graves conséquences d’une telle éducation, verront-ils bientôt leurs efforts récompensés ?