Georges Hippolyte passe 37 mois sur le front entre 1914 et 1917. Plus de 600 lettres écrites durant cette période ont été conservées dans sa maison située à Amiens. De plus, il notait les faits essentiels de ses journées. Il a rédigé et dactylographié une centaine de pages de mémoires.
Il entre à l’École Centrale des Arts et Manufacture pour y suivre une formation d’ingénieur. Installé à Lourches, village minier dans le Nord, il travaille pour la Compagnie des Mines de Douchy. Sa famille et celle de son épouse habitent dans le Nord, le Pas-de-Calais, l’Aisne et la Somme, régions occupées par l’ennemi. En novembre 1914, il est versé dans le 38e régiment d’artillerie. Il défend la patrie sur les terres de l’Artois, construit des observatoires autour de Carency, place des lignes téléphoniques qu’il modifie sans cesse. Sa mauvaise vue ne lui permettant pas de commander une batterie, poste qui lui est proposé, il prend la direction de l’approvisionnement du groupe.
Son frère, Fernand, part à la guerre avec le grade de caporal-mitrailleur au 273e régiment d’infanterie. Il est propulsé sur le front de Verdun d’où il sort indemne pour aller se faire tuer en juillet 1916 dans la bataille de la Somme, à quelques kilomètres des siens sans avoir pu les revoir depuis août 1914. Georges et son père, chacun de leur côté, partiront à la recherche de son corps.
Nous suivrons Georges Hippolyte dans le Pas-de-Calais, la Somme, la Marne, la Meuse, la Meurthe-et-Moselle, entre l’Oise et l’Aisne, puis en Territoire de Belfort, soit au cours de 180 déplacements. Boulogne-sur-Mer sera sa dernière étape, détaché comme adjoint au délégué des charbons dépendant du ministère de l’Armement.
Pendant les 37 mois de mobilisation, il portera sa chère Marie-Thérèse à bout de bras pour qu’elle ne sombre pas dans la dépression et y entraîne leur fils. Il lui rappellera aussi ses devoirs d’épouse de lieutenant. Mais elle ne restera pas inactive : elle hébergera des amis évacués, elle s’ingéniera à collecter des informations sur ceux qui sont bloqués dans la zone envahie pour les communiquer aux intéressés par des circuits divers, elle expédiera des colis aux soldats et aux prisonniers, elle prendra rendez-vous avec des entreprises pour que Georges quitte le front. La guerre l’émancipe : elle voyage seule, décide seule, réalise des opérations bancaires, elle élève seule leur fils, elle a pris la place du chef de famille.
Il y a peu de lettres de Fernand, Georges ne les gardait pas, celles qui nous restent sont un exemple de son courage, de sa ténacité, du sens du devoir et de l’honneur. Fernand se révoltait parfois, mais se défonçait en première ligne pour protéger ses frères d’armes. Georges et Fernand sont des hommes porteurs de grandes valeurs.