(Les cartes postales et photographies appartiennent à Georges Hippolyte)
Méaulte, un village de la Somme, sur la route d’Albert, complètement détruit pendant la Première Guerre mondiale, reconstruit entre les deux guerres. 425 habitants en 1921 ; 603 en 1926 ; 1 259 en 2019. Un cerveau méaultois naît le 30 septembre 1891 sous le patronyme de Henry Potez. Dans ce village, les avions déploieront leurs ailes.
L’enfant du pays
Henry est le fils de Charles Potez qui exploite la minoterie du Vivier à Méaulte. Ce dernier est un notable : en 1903, il est conseiller général du canton d’Albert. Il fonde avec d’autres l’École professionnelle de mécanique d’Albert dans laquelle Henry fera ses études. La mère d’Henry, Célestine Leduc, est fille de négociants. Henry est passionné d’avions. Il entre à l’École Supérieure d’Aéronautique et de Construction Mécanique, promotion 1911. Une chance : pendant son service militaire, il est affecté au service technique de l’aéronautique et fait de belles rencontres. Durant la Première Guerre mondiale, il œuvre dans la Section technique aéronautique à Chalais-Meudon et fréquente Marcel Bloch (Marcel Dassault), un camarade de promotion, et Gaston Caudron. Ils mettent en commun leurs connaissances et leur expérience. Ensemble, ils travaillent à la production d’avions et leurs réflexions ciblent les moteurs. En 1916, ils conçoivent une hélice en bois de noyer visant à améliorer celle de l’avion d’observation militaire Caudron G3 qui a un faible rendement. L’hélice Éclair sera réalisée en série, elle équipera les avions de guerre dès 1917. Forts de ce succès, Henry Potez et Marcel Bloch s’associent au sein de la Société d’Études Aéronautiques (SEA) qui réalise le biplace de combat SEA-4 en bois et métal dont la construction en série démarre en 1918. Il sort de l’usine le 11 novembre 1918. L’armée en commande 1 000 exemplaires, mais seulement 115 seront livrés puisque la guerre semble terminée. Louis Coroller, aussi camarade de la prestigieuse école d’aéronautique, les a rejoints.
Après la guerre, Henry Potez étudie la possibilité de créer un biplan léger de tourisme, le Potez 8 dont une centaine sortira de l’usine d’Aubervilliers, un ancien abattoir qui lui appartient. Dans ce local – Ateliers d’Aviation Henry Potez –, il crée de nombreux prototypes. Il confie à Louis Coroller la direction technique et des études. En 30 ans, Louis Coroller a créé plus de soixante modèles d’avions dont les Potez 25 et 63. Au début, les avions sont fabriqués de façon artisanale. De petite taille et léger, le Potez 8 arrive en tête dans les concours aériens. En 1921, Henry Potez quitte Aubervilliers pour Levallois-Perret. Il fonde une nouvelle société, la Société des aéroplanes Henry Potez, destinée à l’aviation civile. Mais les ateliers de Levallois-Perret sont étroits, inadaptés à son appétit. Les avions Potez battent tous les records de distance, de durée, de vitesse et d’altitude. Il décide d’installer une usine correspondant totalement à ses besoins sur les terres inexploitées de sa ville natale picarde, aidé financièrement par les dommages de guerre qu’ont reçus ses parents pour la minoterie du Vivier dévastée. La première pierre est posée en 1922. Il voit grand.
L’usine Henry Potez de Méaulte
25 000 m2 d’ateliers couverts sont consacrés à l’usine pour produire des avions en série. Un aérodrome de trois pistes jouxte l’usine, il sert de zone d’essai pour les appareils qui sortent des hangars. En 1924, 400 ouvriers y travaillent ; en 1931, ils sont plus de 3 000. 7 000 avions sortiront des ateliers, 48 types d’avions.
Il fait bâtir un stade et une piscine pour que les habitants de Méaulte et d’Albert pratiquent des activités sportives excellentes pour une bonne santé physique et mentale. Le stade est inauguré en août 1933.
Il s’investit localement dans la politique. Il fut maire de Méaulte entre 1929 et 1940, maire d’Albert entre 1947 et 1959, conseiller général de la Somme entre 1930 et 1940, puis entre 1949 et 1961.
Le Potez 25
Le Potez 25, conçu dans les années 1920, biplan biplace d’observation, de reconnaissance, de surveillance et de bombardement pour l’Armée de l’air fut construit d’abord à Levallois, puis à Méaulte. Son premier vol date de 1925, l’État français lui en commande 150 en 1924. Il eut un réel succès sur les plans de la vitesse, de la manœuvrabilité, de la robustesse et de sa facilité d’entretien. Il fut reproduit à environ 4 000 exemplaires. L’armée française l’utilisera à de nombreuses occasions. Il eut du succès auprès des entreprises de transport aérien. Il est un des avions français les plus réussis de son époque.
70 avions Potez 25 furent assemblés dans les Ateliers et Chantiers de la Loire à Saint-Nazaire et essayés à l’aérodrome d’Escoublac opérationnel depuis 1917.
Les Potez 36 et 43
Le Potez 36 est un monoplan monomoteur de tourisme à aile haute repliable, soutenue par des barres métalliques. La cabine fermée comprend deux sièges, un pour le pilote et un pour le passager. Il est destiné au tourisme. Il est construit entre 1929 et 1933 en 265 exemplaires. Cet avion, vendus à des aéro-clubs et à une clientèle privée, connut un succès. L’armée en commanda pour assurer des missions de liaison dans les années 1930. Il précède le Potez 43.
Le Potez 43 est un avion monoplan qui date des années 1930. Il effectue son premier vol en juin 1932. Il dispose de trois places. La distance de vol peut atteindre 800 km. La version 430 atteint une vitesse maximum de 160 km/heure. Le Potez 43 est considéré à l’époque comme l’avion de tourisme le plus fiable.
Le Potez 39
Le Potez 39 est un monoplan d’observation, de reconnaissance et de bombardement. Le premier vol eut lieu en janvier 1930. Il est entièrement métallique. Il est commandé en 1932 par l’Armée de l’air en 100 exemplaires. D’autres commandes suivent, plus de 250 exemplaires ont été fabriqués. Une version hydravion, le train d’atterrissage démontable, fut élaborée. Il est le premier hydravion Potez. Seuls trois exemplaires sont sortis de l’usine.
L’usine de Méaulte prendra un essor considérable dans les années1930. Elle est considérée comme l’une des plus importantes du monde.
Georges Hippolyte est le contemporain d’Henry. Il n’a que onze ans de plus. Nous ne possédons pas d’éléments qui nous permettent de connaître la qualité des relations tissées entre les deux hommes. Georges est entré à l’École Centrale des Arts et Manufactures, promotion 1902, Henry Potez à l’École Supérieure d’Aéronautique et de Construction Mécanique, promotion 1911. Toujours est-il que Georges accueillera de nombreux Centraux sur les terres de Méaulte. Louis, son fils, entre dans l’usine en 1930 après sa scolarité à l’École Supérieure Professionnelle de Lille, une école de métallurgie et construction mécanique, suivie de l’armée. Il y est préparateur de fabrication, dessinateur petites études. Il y restera au moins jusqu’en juillet 1940.
Au mois de mai de cette même année, il effectue 70 heures au-delà de la durée légale hebdomadaire, majorées de 40%. En 1940, son patron achète le domaine de Rayol dans le Var, en zone libre, pour éloigner sa famille de l’offensive allemande. Son activité se poursuit depuis cet endroit, ce qui pourrait expliquer la cessation d’activité de Louis.
Henry Potez se lance dans l’aéronautique maritime avec la création d’un premier hydravion, le Potez 45, et l’aviation d’affaires avec le Potez 56.
En 1936, le Front populaire nationalise l’aéronautique. L’usine Potez est intégrée à la SNCAN (Société Nationale de Construction Aéronautique du Nord). Henry Potez en devient administrateur délégué. En 1962, elle fournit un emploi à 1 000 salariés ; en 1983, 1 290 salariés y travaillent.
Des exploits audacieux mortels
Malgré des pilotes chevronnés, les avions Potez ne remportent pas que des victoires. Ils sont parfois victimes d’accidents. Par exemple, le 1er octobre 1934, au cours d’un vol d’essai, le Potez 41, un quadrimoteur, s’écrase près de Pozières. Georges Hippolyte est sur les lieux du crash. Aux commandes de ce Potez se trouve Gustave Lemoine, un pilote spécialisé dans les essais d’appareils nouveaux dans la société Potez, détenteur de plusieurs records mondiaux de vitesse et d’altitude. Deux techniciens l’accompagnent, Lenain et Baillet. Ils survolent le territoire compris entre Thiepval et Pozières, à 300 mètres d’altitude, quand l’avion ne répond plus aux commandes. Gustave Lemoine ordonne aux deux mécaniciens de sauter en parachute. L’avion s’écrase, le parachute de Gustave Lemoine ne fonctionne pas, il meurt. Il n’a que 32 ans. Lenain descend en parachute, Baillet reste à bord de l’appareil, il tombe avec l’avion, s’en tire avec une jambe cassée et des contusions sans gravité.
Le Potez 41 est un bombardier lourd à cinq places. C’est un quadrimoteur monoplan de 38,50 mètres d’envergure à ailes basses. Il pèse 17 tonnes. Il exécute son premier vol à Méaulte en juillet 1934, commandé par Gustave Lemoine. Les essais successifs sont satisfaisants jusqu’à sa chute. Un seul exemplaire a été exécuté.
Georges Hippolyte, sur ses photos, le nomme BN.5 qui signifie Bombardier de Nuit à cinq places.
En 1910, Gaston et René Caudron créent la première école de pilotage du monde sur la plage du Crotoy avec piste d’envol en bord de mer. Elle devient rapidement une des écoles les plus réputées de France. Les futurs as de l’aviation font le circuit Le Crotoy – Le Touquet – Le Crotoy. Gaston et René Caudron, nés à Favières dans la Somme, fondent la Société des Avions Caudron au Crotoy, puis à Rue qui emploie une dizaine d’ouvriers. Gaston trace les plans, René concrétise et assemble.
Cet avion n’est pas le seul qui se soit ensablé. Pour réparer ce dommage, un atelier de dépannage et d’entretien fut installé.
En 1912, les frères Caudron façonnent le premier hydravion de l’histoire aéronautique. En 1913, dans la crainte d’une nouvelle guerre, l’école de pilotage civile se double d’une école de pilotage militaire. Jean Mermoz a été formé dans leur école.
Au début de la Première Guerre mondiale, la proximité de l’envahisseur les oblige à déplacer leur usine à Issy-les-Moulineaux, dirigée par René, et à Lyon, dirigée par Gaston. En décembre 1915, Gaston essaie un nouvel avion bimoteur. Un problème mécanique provoque la chute de l’avion. Gaston Caudron est tué, ainsi que le mécanicien et le dessinateur qui l’accompagnaient.